Du 31 août au dimanche 3 novembre 2019
Conflicting Heroes
Le Conseil des arts de Montréal en tournée
Commissaire invité : Michael Patten
Artistes : Sonny Assu (Kwakwaka’wakw), Natalie Ball (Modoc – Klamath), Dayna Danger (Métis – Anishinaabe – Saulteaux), Nicholas Galanin (Tlingit – Aleut), David Garneau (Métis), Leonard Getinthecar (Nicholas & Jerrod Galanin, (Tlingit – Aleut)) en collaboration avec Nep Sidhu, Kent Monkman (Cris), Caroline Monnet (Algonquins), Jessie Short (Métis), Skawennati (Kahnawake Mohawk).

Quai 5160 – Maison de la culture de Verdun
5160, boulevard LaSalle
Verdun (QC)

Texte par Michael Patten
Traduit par Suzanne Viot

En 2014, j’ai été invité en tant que commissaire à réaliser la seconde édition de la Biennale d’art contemporain autochtone à Montréal et j’ai choisi d’explorer le thème du récit, comme méthode durable et efficace de transmission des savoirs pour beaucoup de cultures autochtones. Dans les récits que nous racontons, et dans ceux qui nous sont contés, c’est généralement le héros qui nous inspire le plus. Par moments, il peut arriver que nous ressentions grâce à lui de la compassion pour des épreuves que nous n’aurons probablement jamais à traverser. Ou alors c’est la bravoure, le courage et la détermination du héros qui nous encouragent à défendre ce en quoi nous croyons, à nous engager pour ce qui nous semble juste ou équitable et à trouver la force de nous lever contre un pouvoir répressif.

Pour beaucoup de communautés, en particulier pour les peuples des Premières Nations d’Amérique, les héros sont indispensables. Les figures héroïques ne sont pas seulement des exemples à suivre, ils fédèrent aussi les gens. L’Amérique du Nord s’est construite sur l’anéantissement de nos peuples, ainsi, tout effort pour sauver nos cultures est héroïque en soi. C’est une manière de lutter contre la colonisation tout en honorant nos ancêtres. C’est une manière de faire face à notre histoire. Les figures telles que Louis Riel sont un terrain fertile pour les histoires que nous avons à raconter à l’heure actuelle. Il fut un héros controversé, qui a défendu les droits du peuple Métis ainsi que des Canadiens francophones des Prairies à la fin du 19ème siècle. En 1869, à Red River, il a mis en place un gouvernement provisoire pour contrecarrer la spoliation du territoire métis ; et en 1885, il mena une résistance armée contre le gouvernement canadien à Batoche – fait qui lui valut d’être pendu pour traitrise.

Deux artistes métis, David Garneau et Jessie Ray Short, revisitent cette figure controversée dans leurs œuvres. Garneau livre un portrait de Riel dans une peinture inspirée du Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de Jacques-Louis David (1801). L’association de Napoléon et Riel souligne les points de vue divergents qui entourent Riel en tant que figure historique, tout en le présentant comme un symbole nationaliste. La vidéo de Short intitulée Wake up! montre l’artiste s’habillant à la manière du célèbre personnage historique. Sa transfiguration met en exergue le fait que Riel est le seul personnage métis connu des canadiens et attire l’attention sur le manque de représentation des femmes métis de manière générale. D’autres artistes portent aussi des revendications pour les femmes autochtones. Dans Renaissance, Caroline Monnet offre un portrait puissant de la sororité autochtone. Six femmes – qui sont toutes des activistes et des artistes – se tiennent fièrement assises ou debout dans de somptueux atours. De la même façon, Dayna Danger montre trois femmes arborant des masques magnifiquement brodés de perles. Elles paraissent provocantes, puissantes et infaillibles.

Aujourd’hui les récits qui circulent sur les peuples autochtones sont bien trop souvent des histoires de drogues, de violence, d’activités criminelles et d’incarcération, ce qui contribue à banaliser une image déviante et menaçante des peuples autochtones. C’est précisément ce que Nicholas et Jerrod Galanin condamnent dans Modicum (2014) en montrant un policier anti-émeute recroquevillé sous une pluie de tasses à café jetables, sur lesquelles sont inscrits les noms des personnes non-blanches tuées par les agents de police des États-Unis. Être un héros dans nos communautés se paye d’un lourd tribut. Si l’un tombe, c’est toute la communauté qui est secouée.

C’est peut-être la raison pour laquelle beaucoup d’artistes se tournent vers les héros fictionnels. Cela leur permet d’avoir un contrôle sur la narration. Skawennati utilise ses personnages pour imaginer des futurs dans lesquels une relation différente à l’histoire pourrait être configurée. Mais les personnages fictifs contribuent aussi à entretenir les stéréotypes. Le célèbre Winnetou de Karl May peut être perçu comme une alternative rafraîchissante à la figure courante de « l’indien » criminel des histoires de cowboys, mais il reste très problématique. Cette dichotomie est explorée par Kent Monkmann dans son dyptique. Finalement, les héros ont cette capacité de réfuter les stéréotypes négatifs pour révéler la noblesse potentielle inhérente à tout être humain. En fait, les héros sont juste comme nous.