Du 30 avril au 26 juin 2016
Vernissage : Le dimanche 1 mai de 14h00 à 17h00
La biennale d’art contemporain autochtone, 3e édition
Culture Shift – Une révolution culturelle
Commissaires invités : Joyce Millar
Artiste en résidence : Luke Parnell (Haida, Nisga’a)
Luke Parnell : D’un trait, deux espaces
Galerie d’art Stewart Hall
176 Du Bord-du-Lac – Lakeshore Road
Pointe-Claire (QC)

Textde de Joyce Millar

Luke Parnell est un artiste d’origine mixte, Haïdas et Nisga’a. Dans son travail, il explore la tradition formelle des lignes et des mythes de ces deux cultures ancrées le long de la côte nord-ouest du Pacifique. Il recadre leurs récits, engendrant ainsi de nouvelles perspectives.

Durant ses six semaines en résidence à la galerie Stewart Hall, Parnell entreprendra un projet en deux parties dont la portée est à la fois personnelle et universelle : la quête d’une compréhension de l’histoire complexe des Premières Nations et de leurs relations avec la société occidentale.

Dans sa démarche, Parnell réfère à un incident de 1957. Un groupe d’archéologues, accompagné de l’artiste Haïdas Bill Reid qui travaillait à l’époque comme journaliste pour CBC, ont produit le documentaire intitulé Rescuing Timeless Totems of Sgang Gwaay (Rescaper les totems intemporels de Sgang Gwaay). Ces archéologues ont brutalisé des totems de Haida Gwaii (anciennement les îles de Reine-Charlotte) en les arrachant de leur terre. Assumant la disparition de la culture autochtone — une notion inexacte puisque les artistes autochtones n’ont cessé de produire de l’art, et ce, même durant les sombres années d’assimilation forcée —, les mâts totémiques ont été relocalisés sur le terrain du Musée d’anthropologie de l’Université de Colombie-Britannique à Vancouver, afin d’y être exposés et étudiés. Par la suite, les années 60 ont vu vivre une « renaissance » de l’art autochtone de la côte ouest, guidée par Reid, Bill Holm et Wilson Duff, parmi d’autres.

Dans le cadre de sa résidence, Parnell réalisera un totem de huit pieds qui compte deux figures, symboles de sa filiation culturelle. Le totem marque non seulement le temps passé au Stewart Hall, mais également la tradition de ces monuments comme marqueurs territoriaux. Comme l’écrit Parnell, « les totems n’ont jamais été conçus comme objets de curiosité voués à être exposés dans un musée ; ils étaient les marqueurs de leur territoire. Vous pouvez alors imaginer le message trouble que représentent les totems Haïdas sur le territoire Salish où est situé le Musée d’anthropologie. » Les figures des totems de Parnell représentent l’emblème de son clan : la figure du bas est un castor tenant un bâton cassé, et celle du haut, un aigle. Une ligne gravée horizontalement sépare les deux figures. Celle-ci indique l’endroit où l’artiste sciera le totem en deux.

Cette scission permettra à Parnell de reconduire le second objectif de son projet de résidence, qui vise la documentation de l’expédition de l’artiste, en référence à celle menée par Reid et le groupe d’archéologues en 1957. Évidemment, il y a une différence fondamentale entre les deux expéditions : la reconnaissance de l’interrelation entre l’art et la vie chez les autochtones. Suite à la résidence, l’artiste transportera dans un sac à dos la moitié du totem de chez lui, à Prince Rupert, jusqu’au Musée d’anthropologie de Vancouver. Le totem sera ensuite déplacé par l’artiste vers un lieu inconnu, puis brûlé.

Dans le passé, explique Parnell, les objets de valeur étaient détruits pour démontrer la richesse d’un peuple : le cuivre était jeté à l’océan, les couvertures Chilkat étaient découpées et les canoés étaient détruits. Cet acte de destruction me permet d’exprimer comment un simple sculpteur comme moi possède la richesse d’une culture qui m’autorise à détruire un objet d’une telle valeur culturelle… alors qu’en 1957, le projet visait à secourir des objets culturels d’une civilisation qu’ils croyaient éteinte… mon expédition servira à célébrer notre survie… et à montrer la richesse de la culture autochtone.