Du 29 avril au 18 juin 2016
Vernissage : Le vendredi 29 avril de 18h00 à 20h00
La Biennale d’art contemporain autochtone, 3e édition
La révolution culturelle : Redéfinir l’identité
Commissaire : Karine Gaucher
La Guilde
1356, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (QC)

GROENLAND / GREENLAND : Bolatta Silis-Høegh (Inuit)
NUNAVUT : Shuvinai Ashoona (Inuit), Ningeosiaq Ashoona (Inuit), Qavavau Manumie (Inuit), Ohotaq Mikkigak (Inuit), Jamasie Pitseolak (Inuit), Tapaungai Qatsiya (Inuit), Nicotye Samayualie (Inuit), Toonoo Sharky (Inuit), Ningeokuluk Teevee (Inuit), Jutai Toonoo (Inuit), Samonie Toonoo (Inuit).
QUÉBEC : Geronimo Inutiq (Inuit) (originaire du / from Nunavut)

Text de Karine Gaucher
Révision et traduction : Stefan Sobanski

On représente souvent l’identité inuite à travers la nordicité, un système de croyances communes et un mode de vie tourné vers le passé, figé dans le temps. Par contre, cette idée trouve de moins en moins écho dans la réalité contemporaine. L’identité étant une construction, elle se transforme continuellement au gré de l’évolution des individus et des communautés. Or, depuis la deuxième moitié du XXe siècle, plusieurs changements importants se sont succédé et ont profondément transformé la communauté inuite et leur production artistique, en raison notamment d’une remise en question identitaire majeure.

Les frontières entre le nord et le sud se sont peu à peu effacées avec l’avènement de nouvelles technologies de communication dans les années 1990, entre autres avec la téléphonie mobile et l’internet. Conséquence de la mondialisation, les choix picturaux des artistes inuits se forment autour d’une identité renouvelée, hybride, à la fois enracinée dans la tradition et résolument tournée vers la modernité. Cette hybridité est révélée par le travail des treize artistes qui prennent part à l’exposition Une révolution culturelle : Redéfinir l’identité regroupant des artistes du Nunavik, du Nunavut et du Groenland : Ningeosiaq Ashooona, Shuvinai Ashoona, Bolatta Silis-Høegh, Geronimo Inutiq, Qavavau Manumie, Ohotaq Mikkigak, Jamasee Padluq Pitseolak, Tapaungai Qatsiya, Nicotye Samayualie, Toonoo Sharky, Ningeokuluk Teevee, Jutai Toonoo et Samonie Toonoo.

Chacune des œuvres présentes dans cette exposition questionne, à sa façon, les schèmes de représentation traditionnels, remettant du même coup, l’identité en cause, tel Jutai Toonoo, qui utilise des matériaux traditionnels pour exprimer une critique acerbe des politiques d’assimilation mises en place à partir des années 1940 par le gouvernement canadien qui ont mené à l’acculturation. Le cas de Lucky Man de Qavavau Manumie dépeint une autre conséquence issue de la mise en place de ces politiques, soit la dépendance économique des communautés inuites du Canada envers le gouvernement ; celles-ci bouleversent leur identité de fil en aiguille en mettant fin à leurs modes de subsistance millénaires. On retrouve également cette réflexion dans le traitement pictural abstrait de la série Seal Meat de l’artiste groenlandaise Bolatta Silis-Høegh, mettant en scène des viscères d’animaux et où le tableau devient la représentation de sa propre hybridité culturelle. De la même manière, l’artiste en arts médiatiques Geronimo Inutiq utilise l’échantillonnage, technique se rapprochant du collage, pour s’attaquer à l’image du colonialisme véhiculée dans la société. En s’appropriant des images d’archives d’un nord stéréotypé et en les juxtaposant à des images qui reflètent davantage la réalité, il effectue un détournement de sens et appelle une redéfinition identitaire par une représentation hybride de la nordicité.

Bref, plus libres et plus personnelles, les œuvres demeurent, à tout le moins dans la forme, fortement attachées à l’art inuit traditionnel. Ainsi, puisque la culture joue un rôle fondamental dans l’affirmation identitaire des peuples, les œuvres deviennent, dans une région arctique en constante transformation, les porte-étendards de cette expression identitaire duelle, situées quelque part entre tradition et modernité, entre passé et futur, entre stéréotype et réalité.